Dans notre quête de croissance spirituelle, il est essentiel de distinguer entre l’authentique service divin et les dérives qui peuvent dissimuler des déséquilibres psychologiques. Cet article explore comment l’alimentation, lorsqu’elle est motivée par la religion, peut parfois devenir un piège subtil. Nous examinerons à la lumière de la Torah et des enseignements de nos Sages comment préserver l’équilibre intérieur, discerner nos intentions et véritablement « mieux servir Hachem » sans tomber dans l’excès.
Perdre du poids pour “mieux servir Hachem”
Dans un élan de piété sincère, certains cherchent à perdre du poids pour « mieux servir Hachem » — être plus en forme pour prier, étudier ou accomplir les mitsvot. Cependant, le risque est grand de confondre amélioration spirituelle et quête obsessionnelle de contrôle corporel.
Le Rambam (Maïmonide) enseigne dans le Hilkhoth Déot:
« la voie droite consiste à suivre la « voie du milieu »
C’est-à-dire l’équilibre et la modération. Une attention exagérée à son apparence physique, même sous prétexte de service divin, peut conduire à l’orgueil ou à l’auto-adulation, deux traits réprouvés dans la Torah.
Exemple :
Un étudiant de yéchiva s’est imposé un jeûne extrême pour « devenir plus pur ». Cependant, affaibli, il ne parvenait plus à étudier convenablement. Son Rav lui rappela : « Hachem veut ton service dans la joie et la force, pas dans l’épuisement. »
Comme il est dit : « Soyez saints »
Mais pas en détruisant votre santé (Vayikra 19:2, explication du Ramban).
Talmud : quand la mitzva devient piège
Le Talmud nous enseigne dans Soucca 45b :
« Une mitsva accomplie de manière exagérée peut se transformer en faute. »
Perdre du poids ou observer des restrictions alimentaires peut devenir une avoda zara intérieure — un culte d’idéal personnel au lieu d’un service pur d’Hachem. Rabbi Yisrael Salanter avertissait :
« Même dans l’accomplissement d’une mitsva, l’homme doit se méfier du Yetser Hara. »
Dans ce contexte, les troubles du comportement alimentaire peuvent parfois se déguiser en « zèle religieux ». Mais la Torah appelle à servir D.ieu
« Dans l’intégrité du cœur » (Devarim 18:13)
Un cœur sain, non torturé par des exigences irréalistes.
Exemple :
Une jeune femme a commencé un régime strict « pour être plus digne devant Hachem ». Peu à peu, ses pensées étaient uniquement tournées vers les calories, non vers la prière ou l’étude. Son service divin devenait dépendant de son apparence, non de son amour d’Hachem.
Observer ses intentions avec lucidité
La clé est l’observation sincère de ses motivations. La Torah et les Sages insistent sur l’importance de l’introspection (‘Heshbon Hanefesh). Le Rav Wolbe écrit dans Alei Shur :
« la pureté du service dépend de la pureté de l’intention. »
Questions à se poser :
- Est-ce que mes restrictions alimentaires m’aident vraiment à mieux étudier, mieux prier, mieux aimer mon prochain ?
- Suis-je animé par la kavod (honneur personnel) ou par l’amour d’Hachem ?
- Est-ce que cela renforce ma santé et mon équilibre, ou est-ce une source de tourments et de culpabilité ?
Le Moussar nous enseigne:
‘ »un petit dérèglement dans les intentions produit un grand égarement dans les actes » (Pirkei Avot 1:14).
Exemple :
Un homme s’imposait des privations extrêmes pour « s’élever spirituellement », mais il était de plus en plus irritable et impatient avec sa famille. Un Rav lui fit remarquer : « Ton véritable service d’Hachem commence par aimer ton prochain — même avant de jeûner. »
Conclusion
La véritable quête de perfection dans le judaïsme est un chemin d’équilibre, de vérité intérieure et de service joyeux d’Hachem. Si l’alimentation devient un fardeau, une source d’angoisse ou d’obsession, il est temps de s’interroger sincèrement sur nos motivations. Le judaïsme ne nous demande pas de sacrifier notre corps pour l’esprit, mais de sanctifier notre corps pour servir l’Infini avec santé, amour et gratitude. Cherchons toujours à allier élévation spirituelle et bienveillance envers nous-mêmes. C’est ainsi que nous construirons un service véritable, durable, et béni par Hachem.
Points clés à retenir :
- Chercher à être en meilleure santé pour servir Hachem est louable, à condition de rester dans l’équilibre.
- Le Talmud nous avertit que même une mitzva peut devenir un piège si l’intention est détournée.
- L’observation sincère de ses motivations est essentielle pour un service divin authentique.
- La Torah valorise l’équilibre, la joie et la santé dans le service de D.ieu.
- Un excès d’ascétisme peut devenir une forme subtile d’idolâtrie intérieure.