Dans un monde de plus en plus incertain, les jeux de hasard attirent des millions de personnes. Pour certains, un ticket à gratter n’est qu’un loisir ; pour d’autres, c’est un espoir, une échappatoire, un dernier rempart contre le vide existentiel. Mais comment la pensée juive interprète-t-elle ce phénomène ? Peut-on trouver dans la Torah une réponse à cette quête de miracle et de sens ?
Le ticket à gratter : fuite ou miroir du vide intérieur ?
Nombreux sont ceux qui achètent un ticket de loterie non pas pour l’argent, mais pour ressentir l’illusion d’un espoir, d’une possibilité de transformation soudaine. Viktor Frankl, fondateur de la logothérapie, appelle cela le « vide existentiel » : une perte de repères traditionnels et de valeurs personnelles qui mène à un ennui profond, une dépression, voire des comportements compensatoires comme les addictions.
Viktor Frankl écrivait:
« Le vide existentiel se manifeste surtout par un état d’ennui »
Gratter frénétiquement une carte à 2€ devient alors un rituel quasi mystique, une tentative de faire taire l’angoisse de l’inutile.
Exemple :
Une personne sort du travail, accablée de fatigue et d’insatisfaction. En passant devant un bureau de tabac, elle s’offre un ticket. Ce n’est pas le gain qu’elle recherche vraiment, mais un court instant d’excitation : « Et si… ? »
Espérer un miracle pour échapper à soi
La Torah ne rejette pas l’idée de miracle. Mais elle exige que celui-ci soit intégré à un processus de sens et de responsabilité. Le Rav Noah Weinberg enseignait :
« La plus grande liberté est de choisir son chemin, non d’attendre qu’un miracle nous change. »
Le Zohar enseigne :
« les étoiles » symbolisent les forces déterministes de la nature, mais Avraham a transcendé ces forces par sa foi (Berechit 15:5).
Gratter un ticket pour changer son destin est comme scruter les étoiles : une tentative d’évasion du réel. Pourtant, la grandeur d’Avraham fut de quitter cette illusion pour aller à la rencontre du Ein Sof, l’infini divin, en lui-même.
Trouver sa chance dans les Mitsvot
La Mitsva, dit Rabbi Nahman de Breslev, est un « chemin de lumière dans les ténèbres ». La Torah propose un autre rapport à la « chance » : celle de mériter la bénédiction divine à travers l’engagement et la transformation de soi.
« Celui qui veut se purifier, on l’aide d’en haut » (Talmud, Yoma 38b).
Cela signifie que la Providence ne s’active pas au hasard, mais en réponse à une initiative humaine. La véritable chance n’est pas le fruit d’un grattage, mais d’un choix spirituel.
Exemple :
Un homme décide de ne plus acheter de tickets de loterie. À la place, il commence à donner discrètement une pièce à la tsédaka chaque jour. Il découvre une autre forme d’attente : non plus passive et nerveuse, mais active et confiante.
Le Zohar : transformer la pauvreté intérieure
Le Zohar explique que la pauvreté intérieure est une forme d’exil (golah). Pourtant, le mot « geoulah » (délivrance) contient les mêmes lettres, plus un Aleph – symbole d’Hachem. En retrouvant le Aleph, la Présence divine, on transforme l’exil en rédemption.
Ce « vide » que beaucoup comblent par le hasard ou la consommation, la Torah nous demande de l’habiter par la prière, l’étude, l’engagement. Le vrai miracle, c’est la capacité de l’homme à se recréer.
Conclusion
Acheter un ticket à gratter n’est pas une faute en soi. Mais lorsqu’il devient un rituel quotidien, une bouée dans un océan de vide, il révèle un besoin plus profond : celui de retrouver du sens. La pensée juive nous enseigne que ce sens ne se gratte pas, il se construit – dans la vérité, dans la foi, dans l’action. Chaque Mitsva, chaque petit effort pour se rapprocher d’Hachem, est une véritable « chance » – non pas de gagner, mais de devenir.
La loterie spirituelle existe, mais elle ne repose pas sur le hasard : elle s’appelle la Providence, et elle commence toujours par un choix personnel.
Points clés à retenir :
- Le ticket à gratter est souvent une tentative d’échapper au vide existentiel.
- Viktor Frankl parle de la recherche de plaisir comme substitut à la quête de sens.
- Le judaïsme valorise l’initiative intérieure plutôt que l’attente d’un miracle.
- La véritable chance est spirituelle : elle naît des mitsvot et de l’engagement personnel.
- Le Zohar appelle à transformer la pauvreté intérieure par la connexion au divin.